Laissez-moi vous raconter l’histoire de deux objets qui habitent chez moi, et dont l’histoire me rappelle les enjeux de la psychogénéalogie.
Le porte-manteau de Marguerite
Il y a dans ma chambre un porte-manteau en fer forgé haut et étroit, garni d’un petit miroir losangique. Il possède six boutons pour y accrocher quelques vestes, mais il paraît trop frêle pour en supporter beaucoup. Sur le dessus une petite étagère à claire-voie est destinée aux chapeaux. Il ne tient au mur qu’à un crochet.
Cet objet me vient de la maison de mes aïeux du bord de Loire. Je ne sais où mes arrière-grands-parents le conservaient. Du temps de mes grands-parents, qui avaient investi les lieux à l’heure de leur retraite, il avait été relégué dans un corridor sombre, dans un renfoncement, tout près de la petite pièce où l’arrière-grand-mère Marguerite se tenait tout le jour.
Sans doute Marguerite n’avait-elle pas été consultée, pour ce qui est de l’emplacement du porte-manteau en fer forgé, pas plus que pour le reste. Le miroir losangique ne reflétait qu’un recoin sombre – alors qu’en Feng Shui, il importe que les miroirs soient bien situés, en sorte qu’ils reflètent quelque chose de joli. Le long séjour dans ce renfoncement sinistre avait donné à l’objet un Qi stagnant. Pourtant je décidai, à la mort de ma grand-mère, de l’emmener chez moi pour lui offrir une autre vie – une troisième vie, si je puis dire. Malgré son passé de relégué, j’ai voulu lui donner une nouvelle chance dans mon logis.
Le petit buffet de bois clair
Tout à coup je songe que cette relique a connu le même sort que le petit buffet en bois clair, celui qui me vient de mes aïeux alsaciens et qui trône désormais dans mon salon. Tous deux ont connu la relégation : l’un dans un renfoncement sombre d’un long couloir, l’autre dans la pénombre de l’ancienne étable. Tous les deux avaient connu des jours meilleurs, à l’époque des arrière-grands-parents. Tous les deux avaient perdu leur prestige et leur fonction d’origine : le miroir de l’un ne reflétait plus rien, les étagères de l’autre, à défaut de vaisselle, ne supportaient plus que des chiffons et des boîtes de cirage.
J’ai sauvé chacun d’eux de leur sort funeste, je suis venue à leur rescousse pour qu’ils revoient la lumière du jour. Ce sauvetage est à l’image d’un autre sauvetage, celui de la mémoire ancestrale. Il a fallu que je fouille dans l’histoire de mes aïeux sur trois générations pour faire revenir à la surface des épisodes engloutis du passé. J’ai mis de la lumière là où il n’y avait que du non-dit. J’ai mis au jour la vraie couleur de bois clair du buffet, en décapant la couche de peinture imitation chêne. J’ai redonné à ce meuble une fraîcheur qu’il n’avait jamais connue dans ma famille.
Clarification par la psychogénéalogie
Mon maître-mot pour toute cette quête : la clarification. Eclaircir les buffets comme les histoires, rendre plus clair et plus limpide. Le processus n’est pas toujours doux : il a fallu tremper dans l’acide le meuble en sapin de mes arrière-grands-parents pour le débarrasser de la couche mensongère de peinture imitation chêne. On ne se défait pas facilement des mensonges, surtout s’il s’agit de secrets de famille.
Me voilà partie sur les chemins de la psychogénéalogie. C’est plus fort que moi. Grâce à Aïe mes aïeux, j’ai enfin saisi quel rôle avaient joué dans ma vie certains de mes aïeux, qui me reliaient directement à la Première Guerre mondiale.
Je ne peux que recommander cette démarche à tous et à chacun. Lorsque l’on apprend à mieux connaître ses ancêtres, on arrive à mieux se connaître soi.